C’est parti, le séminaire a été ouvert ce matin par Antoine Joly, ambassadeur de France au Nicaragua. Force est de constater qu’il a été l’une des chevilles ouvrières pour la tenue de ce séminaire. C’est aussi peu dire que le ton qu’il a donné lors de son introduction change de celui qui était employé par son prédecesseur. J’avais reencontré ce dernier il y a 3 ans, lors de mon précédent (et jusque là unique) séjour au Nicaragua. Il nous avait reçu dans sa résidence officielle sur les hauteurs de Managua, nous avait confortés dans nos actions et nous avait félicités pour l’engagement qui était celui de Champigny-sur-Marne.
Mais dès qu’il a été question de l’aide que pouvait nous fournir le gouvernement français, il nous a habilement précisé qu’il se tenait à notre disposition mais que les projets ne sauraient être appuyés financièrement. Copiant en cela la doctrine de l’Union Européenne, le gouvernement français sous Sarkozy s’est contenté de limiter le champ de la coopération décentralisée à la « gouvernance ». Façon déguisée d’imposer des cadres qui peuvent s’imbriquer avec ceux définis par les règles de la concurrence libre et non faussée.
L’arrivée de François Hollande au pouvoir représentait à et égard une perspective encourageante. Les associations, ONG, mais aussi de nombreux élu-e-s du secteur voyait là l’occasion pour la France de renouer avec sa tradition universaliste en relançant des projets de coopération décentralisée. Las ! Le budget 2013 en cours d’adoption serre d’un cran de plus une ceinture qui empêchait déjà la coopération de respirer.
Ainsi, si plus de 4800 collectivités territoriales françaises interviennent dans près de 140 pays pour un montant d’aide publique au développement de 60,5 millions d’euros en 2010, c’est l’état qui assume la part principale de cet engagement. Or selon l’OCDE, la France a reculé au 4e rang mondial en matière d’aide publique au développement (après les Etats-Unis, l’Allemagnet le Royaume-Uni) avec une forte chute en 2011 de 5,6% de l’APD, soit 0,46% du Revenu national brut, s’éloignant un peu plus de l’objectif d’atteindre 0,7% fixé par l’ONU dans la lutte contre la pauvreté. En 2011, 9,3 milliards d’euros ont ainsi été consacrés à l’aide publique au développement (APD)et 10 milliards d’euros en 2012 , soit 0,5% du RNB.
Le projet de loi de finances (PLF) présenté pour 2013 propose une baisse des crédits de la mission « Aide publique au développement » de 200 millions d’euros et une affectation infime des revenus de la taxe sur les transactions financières (TTF) au développement en contradiction avec les engagements présidentiels.
Le président de la République s’était engagé à Rio à affecter « une grande partie » de la taxe sur les transactions financières au développement, pour se rétracter ensuite en indiquant que seul 10% des revenus de la TTF française bénéficieraient à ce secteur. Dans le PLF 2013, l’affectation au développement est plafonnée à 60 millions d’euros. Le système d’affectation de la TTF a été complexifié inutilement pour masquer une réalité : seuls 3,75% (60 millions d’euros) des revenus de la taxe seraient réellement décaissés pour le développement en 2013.
Le décalage est croissant entre les besoins de financement dans les secteurs prioritaires et l’effort budgétaire français. Alors que dire du Nicaragua : malgré l’engagement du nouvel ambasssadeur, le Nicaragua et l’Amérique centrale ne sont toujours pas prioritaires pour la diplomatie française et comme l’enveloppe est revue à la baisse, les collectivités comme la nôtre seront encore et toujours mise à contribution pour assurer ce qui pour partie relève de la charge de l’état à savoir l’aide au développement. C’est dans ce contexte que les participants à ce séminaire étaient amenés à échanger ce matin. Je vous invite à retrouver ci-dessous mon intervention sur l’éducation :
Bonjour à toutes et à tous,
Avant toute chose, je souhaite remercier nos amis nicaraguayens pour la qualité et la chaleur de leur accueil, Monsieur l’Ambassadeur de France pour avoir pris l’initiative de nous rassembler pour ce séminaire et pour la prise en charge exceptionnelle que lui et ses services nous ont réservé depuis notre arrivée, mais aussi toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la mise en oeuvre et à la réussite de ce séminaire.
Nous avons à Champigny-sur-Marne une relation de longue date avec nos amis de Jalapa puisque nous fêterons l’année prochaine les 30 ans de ce jumelage. Et depuis 30 ans, nombreuses ont été les actions que nous avons portées conjointement, dans des domaines aussi divers que l’assainissement, la santé, le droit des femmes, la construction de toits et de latrines sans oublier bien sûr la reconstruction d’un quartier qui porte aujourd’hui le nom de notre ville, le barrio Champigny.
Mais aujourd’hui, je vais vous parler d’éducation. Et si nous sommes intervenus et continuons à le faire sur ce secteur, c’est que nous avons su construire avec notre partenaire une analyse, une perspective, et décliner cela sous forme de projets.
Cette analyse, c’est que nous considérons que le savoir est une richesse, une richesse qui éclaire. C’est par le savoir que l’on est capable de passer de la pensée de ce qui est bien pour soi à la pensée de ce qui est bien pour tous. C’est pourquoi nous savons que nous devons oeuvre à l’élévation des connaissances et des qualifications de l’ensemble d’une classe, autrement dit de pour les enfants.
Finalement, nous nous accordons avec nos amis nicaraguayens sur ce qu’un grand penseur socialiste français, qui est également venu faire des discours très marquants en Amérique latine, Jean Jaurès, explicite en nous rappelant « qu’il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience », de révolution dans le sens d’une rupture radicale avec l’ordre établi !
Voilà en quoi résident la grande ambition et le grand devoir de l’éducation. Permettre l’émancipation individuelle et collective. Etre l’outil de l’implication citoyenne, en permettant par cette élévation à chacun d’être acteur de la reconquête de la souveraineté par et pour le peuple, d’entrer dans un processus de révolution citoyenne.
Je profite de l’occasion pour faire une incise à destination de nos amis nicaraguayens : ayez conscience de la puissance de la perspective qui est tracée sur votre continent par l’implication citoyenne sous toutes ses formes. Le « poder ciudadano » du Nicaragua, et les autres formes qui se rencontrent en Amérique Latine, du Venezuela à Cuba en passant par l’Equateur ou la Bolivie par exemple, trouvent leur déclinaison de notre côté de l’Atlantique. On l’a vu autour du bassin méditerranéen avec les révolutions arables du printemps 2011 ou encore avec la réponse du peuple face à la domination de la finance en Grèce, Espagne, Portugal ou Italie. Voilà un espoir et une perspective que vous tracez qui est pour nous, peuple français, un point d’appui extrêmement important.
Mais nos amis nicaraguayens savent comme nous que l’éducation peut aussi se heurter à des phases de reflux. Il y en a deux, qui partout de par le monde, marquent un recul du savoir. La première, c’est bien sûr les périodes de conflit et vous êtes ici bien placés pour le savoir tout en sachant que derrière, la porte peut être ouverte pour des transformations radicales comme le mouvement sandinistes à su l’initier dans les années 80 en faisant passer le taux d’alphabétisation de 12 à 56 %, puis à 78 % aujourd’hui !
La deuxième, c’est lorsqu’il y a une inversion des polarités et que les intérêts marchands et financiers priment sur l’intérêt humain. Là encore vous l’avez connu dans ce pays dans les années 90 quand la contre-révolution libérale a privatisé l’accès au savoir. Mais je le dis à nos amis nicaraguayens, ne croyez pas que vous êtes les seuls dans ce cas puisque pour laa première depuis des décennies, nous assistons également à un recul en France dans l’accès au savoir et à la qualification !
Si je prends le temps de présenter ces convergences dans l’analyse, c’est qu’elles montrent des temporalités et des situations très différentes et que seule une analyse partagée permet de co-construire des projets pour y faire face. Cela veut aussi dire que les réponses d’hier ne sont pas celles de demain et qu’l nous faut en matérialistes savoir apporter les réponses sans cesse actualisées aux situations.
Et de fait, nous avons porté de nombreux projets sur le sujet avec Jalapa. C’était par exemple le cas avec le projet de bourses à destination de jeunes jalapenos. C’était le cas avec la reconstruction d’écoles ou de entres d’accueil péri-scolaire. Face à la situation nouvelle, nous allons profiter de notre venue à Jalap à partir de demain pour réfléchi collectivement à la meilleure façon d’agir sur ce secteur et ainsi actualiser notre action.
Mais je tiens à préciser quelque chose qui me tient tout particulièrement à coeur. A Champigny, notre action avec Jalapa ne se limite pas à de l’aide au développement. Nous avons développé un véritable jumelage et à ce titre nous sommes fiers de l’implication sans cesse renouvelée de la population campinoise dans nos actions avec Champigny. Il y avait bien sûr eu un énorme élan de solidarité après le cyclone Mitch en 1998, mais depuis par exemple, les 3000 enfants des centres de loisirs de la ville ont été sensibilisés à la situation du Nicaragua et ont participé à des actions qui ont permis d’équiper à Jalapa l’équivalent d’un centre de loisirs. De même, des présentations de la situation au Nicaragua es régulièrement effectuée aux collégiens de la ville ce qui les a conduits à monter des actions pour collecter de l’argent à destination de Jalapa.
Vous le voyez, notre engagement est d’autant plus fort qu’il s’est construit sur un projet partagé avec notre partenaire mais aussi qu’il s’appuie sur nos populations respectives. Voilà finalement le cahier des charges qui nous incombe pour pousser et renforcer notre collaboration avec Jalapa et le Nicaragua.
Je vous remercie.